piątek, 15 czerwca 2012

Où sont les chocolats d'antan?

Je regarde par le vitre. Devant moi, sous le soleil brûlant, s’étale la place Powstańców. Nous prenons notre temps. Assis autour d'une petite table, devant nos tasses de chocolat chaud, nous contemplons l'intérieur. Certes, il a changé plusieurs fois depuis la création du salon il y a 140 ans, mais garde toujours l'ambiance du vieux Varsovie de mes grands-parents. Et reste le témoin de l'histoire continue de l'usine de chocolat la plus ancienne en Pologne. Celle de WEDEL.
L'histoire de la branche polonaise de la famille allemande Vedel commence vers le milieux du XIX siècle. Nous sommes en 1845. Ça fait juste un an que les trains arrivent à la Gare de chemin de fer de Varsovie situé au carrefour de la rue Marszałkowska et Aleje Jerozolimskie. Mais comme il n'y a qu'une seule ligne, celle reliant Varsovie avec Vienne, nous devons chercher Karol Ernst Vedel plutôt à la station des diligences, car le fondateur de la dynastie est arrivé du Berlin. Invité par Karol Grohnert, propriétaire d'une pâtisserie rue Piwna, à la Vieille Ville, il aura travaillé pour lui 6 ans, avant d'ouvrir son propre atelier de production de chocolat et magasin dans l'hôtel Chodkiewicz, au 484 rue Miodowa (no 14 actuel). Ayant acquis son expérience en tant que pâtissier à Berlin, Londres et Paris, Karol conquit vite le public de Varsovie. Au début il commence par des sucreries typiques qu'on pouvait trouver dans d'autres salons et magasins de la ville. Ensuite il lance des bonbons et sirop... contre la toux. Pâtissier – pharmacien? À cette époque tout est possible. Mais très vite il s'oriente vers le produit qui est devenu le symbole de la firme: le chocolat. À commencer par le chocolat chaud: « Brillant » et « Dessert ». Forcément bon si on en vendait dans son salon jusqu'à 500 tasses par jour. Puis divers produits en chocolat à croquer. En 1862 les annonces publicitaires vantaient les qualités du « chocolat praline à la crème aux nougats, aux pistaches, napolitain, de demes, à la vanille, royal, à la sultan »  ou des « prunelles glacés - reinglouds glacés et fruits cristallisés».
Sa notoriété fut si grande que l'on a même commencé à falsifier ses produits. Ce qui l'a emmené à donner une annonce dans la presse polonaise où il expliquait que seuls les produits marqués de sa signature personnelle étaient sortis de son usine. La contrefaçon  n'est pas l'invention de nos jours.
Emil, le fils de Karol, rejoint son père en 1864, mais ne devient le propriétaire de l'atelier qu'en 1872, l'année de son mariage avec Eugenia Böhm. Que ces noms allemands ne vous déroutent pas. Emil, né à Varsovie, tout comme ses enfants, Jan, Eleonora et Zofia, se disaient toujours Polonais. La preuve en est que c'était déjà Emil qui a changé l'orthographe du nom contre la forme polonaise avec un « W », et  que Vedel est ainsi devenu Wedel. Pendant la II Guerre mondiale, les membres de la famille furent poussés par l'administration allemande à signer la Volksliste ce qui aurait beaucoup facilité la vie et la gestion de la société. Personne ne l'a fait. Au contraire ils prenaient part dans la lutte contre l'envahisseur au sein de l'Armée de l'Intérieur (Armia Krajowa). Plusieurs sont morts. Et avant la guerre, c'est Jan qui fut un des fondateurs du monument de Ignacy Jan Paderewski, le grand compositeur et pianiste qui fut le premier à exercer la fonction du premier ministre dans la Pologne ressuscitée en 1918. Le monument symbole que l'on peut toujours admirer dans le parc Ujazdowski.
Mais revenons à Emil. La notoriété de l'entreprise augmente systématiquement, ce qui lui permet de réaliser de gros investissements. Il vend l'atelier rue Miodowa et installe un nouveau atelier, beaucoup plus important, dans les bâtiments rue Szpitalna, achetés par son père en 1869. Il réalise aussi un nouveau immeuble au carrefour des rues Szpitalna et Flory (actuellement Górskiego). Construit dans le style de sécession, il fut un des plus jolis hôtels de Varsovie. Le 11 décembre 1894, le public franchit pour la première fois le seuil du plus grand magasin, aménagé au rez-de-chaussé, où l'on peut acheter tous les produits de la firme. Juste à côté se trouve le salon de chocolat. Les deux endroits deviennent vite très populaires parmi les habitants de la ville. Tout le monde y vient pour faire des achats, pour boire du chocolat chaud, mais aussi pour côtoyer les illustres Varsoviens: journalistes, romanciers, poètes, peintres... Prus et Sienkiewicz à la fin du XIX siècle, Tuwim, Słonimski, Iwaszkiewicz dans les années 20 et 30 du XX siècle.








Le bâtiment de l'usine dans la rue Zamojskiego est toujours de service




Le troisième et dernier des propriétaires avant la nationalisation de l'entreprise en 1948, fut Jan Wedel. C'est lui qui au début des années 30 du XX siècle fait construire une usine ultramoderne sur la rive droite de la Vistule, rue Zamojskiego, dans le quartier de Praga. Malgré la grande crise mondiale les affaires vont plutôt bien. Les magasins Wedel pullulent à Varsovie (notamment rue Wierzbowa, juste à côté du bâtiment de l'Opéra et au 53, rue Nowy Świat, à Marszałkowska et à Chmielna – celui-ci avec un des premiers néons publicitaires de Varsovie) et à d'autres villes de Pologne, mais aussi à l'étranger. On ouvre un magasin à Paris, au 20, rue Vignon, près de l'Opéra (sic!), où l'on commercialisent les produits Wedel transportés chaque jour par le train (une légende de famille voulait que ce soit le Train bleu, mais en réalité celui-ci n'allait pas vers la Pologne).

En 1933 la famille Wedel achète un hôtel au 13/15, rue Foksal, à deux pas du jardin de l'hôtel Zamojski où Pierre Blanchard monta dans sa montgolfière en survolant Varsovie en 1789. C'est ici que la famille a vécu l'occupation allemande de 1939 à 1944. Les travaux de rénovation ont complètement changé la façade du bâtiment, et son aspect moderne fut renforcé par la cage en verre de l'ascenseur installée à l'extérieur de l'immeuble. Menacé depuis 50 ans de destruction pour faire place à une nouvelle rue donnant sur la rue Smolna, il est tombé en ruine. C'est vraiment de la chance que depuis peu on parle plutôt de sa restauration que de sa démolition.


Jan Wedel a financé aussi la construction de deux bâtiments rue Puławska, au 26 et 28, qui, épargnés pendant la II Guerre mondiale (il n'y avait que des traces de balles sur la façade), existent toujours. Conçus par l'architecte Juliusz Żurawski, ils sont cités comme les meilleurs exemples du fonctionnalisme dans l'architecture de Varsovie des années 20 et 30 du XX siècle. À ne pas manquer la peinture murale de la grande artiste polonaise, Zofia Stryjeńska, réalisée dans le hall du bâtiment au 28, représentant les brigands montagnards (des Robins des bois des Carpates).
D'origine allemande, la famille Wedel était de confession protestante. C'est pourquoi l'on peut admirer deux vitraux des deux côtés de l'autel de l'église lutérienne, place Małachowskiego. Ils datent de 1961 et sont une réplique des anciens vitraux détruits pendant le siège de Varsovie en septembre 1939. De même la grille décorée derrière l'autel et les chandelles sont un don de la famille Wedel.
Le dernier vestige de la présence de Wedel à Varsovie est le grand tombeau de famille se trouvant au cimetière lutérien dans le quartier de Wola, rue Młynarska. C'est ici que reposent tous les membres de la famille: Karol (1813-1902), sa femme Karoline Wisnowska-Wedel (1819-1883), son fils Emile (1841-1919) et sa femme, Eugenia Böhm (1856-1925), Jan Wedel (1874-1960).


Nationalisée en 1948, la société « E.Wedel S.A. » est devenue en 1952 « l'Établissement de l'Industrie de Confiserie - 22 Juillet » (le 22 juillet était une date fétiche pour les communistes, car elle symbolisait la naissance de la Pologne populaire en 1944). Si la qualité de la gestion de l'établissement nationalisé n'était pas très haute, grâce aux travailleurs et ingénieurs d'avant la guerre, celle des produits est restée très haute. Dans les années 90 du XX siècle l'entreprise fut une des premières à être privatisées. Elle fut vendue au géant américain PepsiCO qui n'avait aucune expérience dans la confiserie. Il n'était donc pas étonnant qu'au bout de quelques années, en 1998 c'est le concerne Cadbury qui devient à son tour son propriétaire. Deux ans après, quand la société Cadbury Wedel a été achetée en janvier 2010 par Kraft Foods, la Commission européenne, craignant le monopole de Kraft sur le marché polonais de chocolat a imposé la vente de l’entreprise qui depuis  juin 2010 a comme nouveau propriétaire le groupe japonais LotteGroup.


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