poniedziałek, 1 października 2012

Nowy Świat – la rue connue ou méconnue ?


La rue Nowy Świat fait partie de ce qu'on appelle la Voie Royale. Celle-ci relie le château des rois de Pologne se trouvant près de la Vieille Ville avec leurs résidences d'été qui, jusqu'au début du XX siècle, se trouvaient à l'extérieur de la ville de Varsovie: Palais Casimire, petit palais sur l’île au Parc de Łazienki et celui à Wilanów. La rue, sans être négligée par les touristes, ne leur est connue que des fenêtres des autocars, vu que le temps des visites est en général très limité. Je vous invite donc à descendre des bus et faire une petite promenade à pied.

Nous commençons notre visite par... la fin. Si les numéros des maisons débutent du côté de la Place Trzech Krzyży, pour les habitants de Varsovie historique c'était déjà une banlieue ou plutôt une campagne près de la ville avec rares bâtiments entourant les deux colonnes et la statue de Saint Népomucène du XVIII que nous connaissons aussi de nos jours. Elles sont placées devant l'église Saint Alexandre où se trouve le ciborium réalisé par Jan Norblin. L'église qui, pendant la II Guerre mondiale, le 5 juin 1943, fut témoin d'un évènement tragique provoqué par la nonchalance et un manque total d'imagination d'un jeune couple de résistants polonais. En négligeant complétement les principes de la vie clandestine et les ordres de leurs supérieurs, les jeunes gens ont invité leur familles et amis à la cérémonie de leur mariage. La Gestapo, elle aussi,  n'a pas manqué à « l'appel ». Plus de 90 personnes ont été arrêtées suite d'une dénonciation, dont la plupart fut torturée et exécutée... 

Dans sa partie sud, entre la Place Trzech Krzyży et le Rond Point Charles de Gaulle, la rue  Nowy Świat a gardé certains vestiges de sa beauté. Le bâtiment au numéro 3 est le plus ancien exemple d'hôtel bourgeois de style fonctionnel des années 1930. Le rez-de-chaussé et les caves étaient occupés d'un restaurant chic « Paradis » qui, après la guerre prit le nom de « Melodia » et fut un de préférés de la nomenclature du parti communiste. Les apparatchiks du Comité central du Parti Ouvrier unifié polonais n'avaient qu'à traverser la rue qui séparait le restaurant de leur siège, construit entre 1948-1952, appelé par les Polonais la « Maison Blanche » de la couleur de ses murs. Après les changements politiques intervenues en Pologne en 1989, ce bâtiment, un symbole de la tyrannie communiste est devenu un symbole de l'économie de marché, changé en premier siège de la Bourse des Valeurs de Varsovie.

Après avoir passé le rond-point, ayant regardé la copie du monument du Général de Gaulle que certains Varsoviens ont appelé « le général dansant » (si on est un peu sceptique quant à la statue, on aime bien la personne), et après être surpris par la vue d'un palmier (artificiel), pénétrons dans la partie principale de la rue Nowy Świat, celle qui a été presque complétement détruite en août et septembre 1944, pendant l'Insurrection de Varsovie. Tous les hôtels que vous y allez admirer ne sont donc que des reconstructions.  

Une carte postale de 1946 où on voit bien les ruines des hôtels de la rue Nowy Świat
À notre droite, au numéro 18, se trouve l'hôtel Branicki où, jusqu'à la II Guerre Mondiale, eut son siège l'Ambassade Britannique. C'est ici que, le 3 septembre 1939, se sont retrouvés des milliers de Varsoviens pour manifester leur joie après la proclamation de la guerre par l'Angleterre et la France. Un autre groupe manifestait son enthousiasme devant l'ambassade française qui se trouvait à l'époque dans le Palais Lubomirski (là où de nos jours s'étale une grande terrasse, à côté du Musée de la Terre).
Le plus important investissement du début du XX siècle fut caché des yeux du public dans la cour derrière le Palais Kossakowski, au numéro 19. C'était un grand bâtiment qui abritait une patinoire dont la longueur dépassait 50 mètres, accompagné d'un restaurant et d'un balcon pour orchestre. Hélàs, cette entreprise n'était pas de longue durée car créée sur des bases financières très faibles. Au bout de deux ans la patinoire fut transformée en grand restaurant. Les restes de cet immeuble ont servi dernièrement à l'aménagement des appartements de luxe, la Résidence Royale. Dans les années 1930, du côté de la rue, au même numéro, il y avait une « Parfumerie Française » de J. Turnemine.

Du côté paire cherchez  le numéro 32. C'est ici, dans l'hôtel Bobiński, qu'habitait, entre 1827 – 1837, le consul français Jacques Durand, occupant un vaste appartement de 8 pièces. Ami des Polonais, en 1831, pendant l'Insurrection de Novembre,  il a mis à la disposition du gouvernement polonais ses valises diplomatiques. C'est donc grâce à lui que les autorités russe et prussienne n'avaient plus de moyens de contrôler la correspondance gouvernementale polonaise et les Polonais pouvaient  négocier librement avec le gouvernement français une aide à l'Insurrection.  Hélas, les négociations n'ont abouti à rien. Seule la population française nous a montré un soutien moral dont l'exemple fut « La Varsovienne », un poème de Casimir de la Vigne qui, traduit vers le polonais , est devenu notre quasi hymne national.
Il s'est levé, voici le jour sanglant ;
Qu'il soit pour nous le jour de délivrance !
Dans son essor, voyez notre aile blanc ?
les yeux fixés sur l'arc-en-ciel de France !
Au soleil de juillet dont l'éclat fut si beau,
Il a repris son vol, il fend les airs, il crie :
Pour ma noble Patrie
Liberté : ton soleil ou la nuit du tombeau !

Polonais, à la baïonnette !
C'est le cri par nous adopté,
Qu'en roulant le tambour répète !
Vive vive la liberté ! Vive vive la liberté ! (...)




Si vous êtes fatigués, faisons halte dans le café dont l'histoire remonte jusqu'en 1869, l'année où Antoni  Blikle fonda sa première pâtisserie. Pendant presque 150 ans, elle a su faire face non seulement à la concurrence des autres pâtissiers mais aussi au régime communiste, régime qui après 1948 bannit toute entité privée de l'industrie et restait hostile à toute activité privée dans le commerce et dans les services. Le café était toujours très populaire parmi les gens de culture: écrivains, acteurs, musiciens... Les étrangers passaient aussi par là. On pouvait par exemple contempler les photos de Marcel Marceau ou de Lucien Boyer accrochées aux murs. Jeune officier Charles de Gaulle y prenait régulièrement le café accompagné des pączki. Dommage que le goût des glaces n'est plus le même que dans mon enfance. Seuls pączki (les beignets) et makowiec (le gâteau au pavot) ont gardé leur ancien caractère... 


Une photo des beignets trouvée sur Internet

Cherchez ensuite le bâtiment au numéro 40. Au début du XX siècle, il y avait ici le plus grand garage de Varsovie tenu par l'entreprise « Centrale de Dion Bouton, Greyer & Co. ». Dans un magasin voisin on pouvait aussi acheter des automobiles de la même enseigne, très connus et aimés des Varsoviens.  Et de l'autre côté de la rue, au numéro 39, il y avait le plus grand magasin où on commercialisait des marchandises russes  de haute gamme, notamment le caviar. L'hôtel appartenait à un des plus riches commerçants de Varsovie, un Russe, Nicolas Szelekhov. Il possédait aussi un autre hôtel, dans l'avenue Ujazdowskie, au numéro 17, où, dans les années 1920, le consulat de France avait son siège.

On peut lire dans les souvenirs écrits à la fin du XIX siècle que les Polonaises portaient peu de faux bijoux. Il paraît que la mode est venue à Varsovie dans la première décennie du XX siècle avec la création, au numéro 45, d'un magasin qui offrait des imitations de diamants sous l'enseigne Bargoin.   À la même époque on a commencé aussi à commercialiser les fausses perles Tecla de production française.
Photo empruntée au site www.warszawa39.pl

À notre gauche – la rue Warecka dont le nom vient de Warka,  la ville natale du colonel Kazimierz Pułaski, un des héros de la guerre d'indépendance des États-Unis. Au carrefour de Warecka et Nowy Świat  son père a fait construire un grand palais en bois.

C'est quelque part ici, dans cette rue, qu'il y avait un appartement occupé par le capitaine Charles de Gaulle qui, entre 1919 et 1920, faisait partie d'une mission militaire française commandée par le général Veygand. C'est pourquoi le général de Gaulle a pu dire dans une allocution télévisée, lors de son séjour officiel en Pologne en  1967: « Je salue ceux d'entre vous qui ont vécu le temps lointain où j'avais été envoyé parmi eux dans ma jeunesse... »; et  cette inoubliable phrase finale que je garde gravée au fond de mon coeur, prononcée par le Président en polonais: « Wszystkim Polakom mówię z głębi serca: Dziękuję Wam! Żegnajcie! Niech żyje Polska, nasz droga, szlachetna, waleczna Polska! ».

Le grand hôtel brunâtre au 67/69, appelé le Palais Zamoyski, fut construit à l'endroit même où au XVII siècle s'élevait un palais appartenant à Marie Anne de la Grange d'Arquien, la soeur de la reine de Pologne, Marie Casimire, femme du roi vainqueur des Turcs près de Vienne en 1683. Au XIX siècle, il fut remplacé par un bâtiment dans lequel on offrait des appartements à louer. En 1863, pendant l'Insurrection de Janvier, plusieurs bombes ont été lancées d'une des fenêtres du bâtiment sur la voiture du général Fiodor Berg, le représentant du tsar pour la Pologne. Berg est sorti intact de cet attentat, mais en représailles tout l'hôtel a été mis à sac par les Cosaques. Tous les meubles ont été jetés par les fenêtres, parmi lesquels le piano de Frédéric Chopin. Le piano qui était dans l'appartement loué par Izabella  Barcińska, une des soeurs du compositeur. Cyprian Kamil Norwid, ami de Chopin, a décrit cette scène dans un poème traduit vers le français par Joseph Pérard :

(…) Regarde !... De ruelle en ruelle
Les chevaux caucasiens se ruent.
Comme avant l’orage les hirondelles,
Bondissant devant les régiments
Par cent ― par cent
― L’édifice a pris feu, semble s’éteindre,
S’embrase encore ― et voici que contre le mur
Je vois des fronts de veuves en deuil
Poussés par des crosses ―
Et de nouveau je vois, tout aveuglé de fumée,
Que par les colonnes du balcon
Un meuble ressemblant à un cercueil
On hisse... il s’abat... il s’abat... Ton piano !




Source: Wikipedia