czwartek, 27 grudnia 2012

Les crèches de Noël

Toutes petites, on les trouve dans nos maisons depuis la première semaine du décembre. À Noël, on les cherche dans des églises. Petites ou grandeur nature, riches en personnages ou présentant uniquement la sainte famille, installées par les prêtres, elles font naître des émotions propres à cette fête...
Mais il y en a aussi qui attirent des foules, notamment des enfants qui, dans la folle époque des ordinateurs, cherchent du fabuleux dans du simple. Les crèches méchanos, comme celle de Varsovie, rue Miodowa, chez lez frères mineurs capucins. Riche d'une tradition de 64 ans, elle présente non seulement la naissance de Jesus, mais aussi des personnages historiques, le pape Jean Paul II, le béatifié Jerzy Popiełuszko, un prêtre assassiné par la milice communiste, des rois polonais, des généraux de l'armée polonaise de plusieurs époques.
Chaque année, de nouveaux personnages et éléments sont ajoutés. Sous le régime communiste, les adultes se précipitaient eux aussi pour voir la nouvelle version, en essayant d'identifier les nouveaux personnages, symboles de la résistance contre le gouvernement. C'était le temps où l'Église était l'unique institution où le pouvoir tolérait un brin de liberté d'expression...


La crèche se visite dans le sous-sol de l'église des frères capucins au 13, rue Miodowa,
tous les jours, du 26 décembre au 2 février, de 10h à 18h.

poniedziałek, 1 października 2012

Nowy Świat – la rue connue ou méconnue ?


La rue Nowy Świat fait partie de ce qu'on appelle la Voie Royale. Celle-ci relie le château des rois de Pologne se trouvant près de la Vieille Ville avec leurs résidences d'été qui, jusqu'au début du XX siècle, se trouvaient à l'extérieur de la ville de Varsovie: Palais Casimire, petit palais sur l’île au Parc de Łazienki et celui à Wilanów. La rue, sans être négligée par les touristes, ne leur est connue que des fenêtres des autocars, vu que le temps des visites est en général très limité. Je vous invite donc à descendre des bus et faire une petite promenade à pied.

Nous commençons notre visite par... la fin. Si les numéros des maisons débutent du côté de la Place Trzech Krzyży, pour les habitants de Varsovie historique c'était déjà une banlieue ou plutôt une campagne près de la ville avec rares bâtiments entourant les deux colonnes et la statue de Saint Népomucène du XVIII que nous connaissons aussi de nos jours. Elles sont placées devant l'église Saint Alexandre où se trouve le ciborium réalisé par Jan Norblin. L'église qui, pendant la II Guerre mondiale, le 5 juin 1943, fut témoin d'un évènement tragique provoqué par la nonchalance et un manque total d'imagination d'un jeune couple de résistants polonais. En négligeant complétement les principes de la vie clandestine et les ordres de leurs supérieurs, les jeunes gens ont invité leur familles et amis à la cérémonie de leur mariage. La Gestapo, elle aussi,  n'a pas manqué à « l'appel ». Plus de 90 personnes ont été arrêtées suite d'une dénonciation, dont la plupart fut torturée et exécutée... 

Dans sa partie sud, entre la Place Trzech Krzyży et le Rond Point Charles de Gaulle, la rue  Nowy Świat a gardé certains vestiges de sa beauté. Le bâtiment au numéro 3 est le plus ancien exemple d'hôtel bourgeois de style fonctionnel des années 1930. Le rez-de-chaussé et les caves étaient occupés d'un restaurant chic « Paradis » qui, après la guerre prit le nom de « Melodia » et fut un de préférés de la nomenclature du parti communiste. Les apparatchiks du Comité central du Parti Ouvrier unifié polonais n'avaient qu'à traverser la rue qui séparait le restaurant de leur siège, construit entre 1948-1952, appelé par les Polonais la « Maison Blanche » de la couleur de ses murs. Après les changements politiques intervenues en Pologne en 1989, ce bâtiment, un symbole de la tyrannie communiste est devenu un symbole de l'économie de marché, changé en premier siège de la Bourse des Valeurs de Varsovie.

Après avoir passé le rond-point, ayant regardé la copie du monument du Général de Gaulle que certains Varsoviens ont appelé « le général dansant » (si on est un peu sceptique quant à la statue, on aime bien la personne), et après être surpris par la vue d'un palmier (artificiel), pénétrons dans la partie principale de la rue Nowy Świat, celle qui a été presque complétement détruite en août et septembre 1944, pendant l'Insurrection de Varsovie. Tous les hôtels que vous y allez admirer ne sont donc que des reconstructions.  

Une carte postale de 1946 où on voit bien les ruines des hôtels de la rue Nowy Świat
À notre droite, au numéro 18, se trouve l'hôtel Branicki où, jusqu'à la II Guerre Mondiale, eut son siège l'Ambassade Britannique. C'est ici que, le 3 septembre 1939, se sont retrouvés des milliers de Varsoviens pour manifester leur joie après la proclamation de la guerre par l'Angleterre et la France. Un autre groupe manifestait son enthousiasme devant l'ambassade française qui se trouvait à l'époque dans le Palais Lubomirski (là où de nos jours s'étale une grande terrasse, à côté du Musée de la Terre).
Le plus important investissement du début du XX siècle fut caché des yeux du public dans la cour derrière le Palais Kossakowski, au numéro 19. C'était un grand bâtiment qui abritait une patinoire dont la longueur dépassait 50 mètres, accompagné d'un restaurant et d'un balcon pour orchestre. Hélàs, cette entreprise n'était pas de longue durée car créée sur des bases financières très faibles. Au bout de deux ans la patinoire fut transformée en grand restaurant. Les restes de cet immeuble ont servi dernièrement à l'aménagement des appartements de luxe, la Résidence Royale. Dans les années 1930, du côté de la rue, au même numéro, il y avait une « Parfumerie Française » de J. Turnemine.

Du côté paire cherchez  le numéro 32. C'est ici, dans l'hôtel Bobiński, qu'habitait, entre 1827 – 1837, le consul français Jacques Durand, occupant un vaste appartement de 8 pièces. Ami des Polonais, en 1831, pendant l'Insurrection de Novembre,  il a mis à la disposition du gouvernement polonais ses valises diplomatiques. C'est donc grâce à lui que les autorités russe et prussienne n'avaient plus de moyens de contrôler la correspondance gouvernementale polonaise et les Polonais pouvaient  négocier librement avec le gouvernement français une aide à l'Insurrection.  Hélas, les négociations n'ont abouti à rien. Seule la population française nous a montré un soutien moral dont l'exemple fut « La Varsovienne », un poème de Casimir de la Vigne qui, traduit vers le polonais , est devenu notre quasi hymne national.
Il s'est levé, voici le jour sanglant ;
Qu'il soit pour nous le jour de délivrance !
Dans son essor, voyez notre aile blanc ?
les yeux fixés sur l'arc-en-ciel de France !
Au soleil de juillet dont l'éclat fut si beau,
Il a repris son vol, il fend les airs, il crie :
Pour ma noble Patrie
Liberté : ton soleil ou la nuit du tombeau !

Polonais, à la baïonnette !
C'est le cri par nous adopté,
Qu'en roulant le tambour répète !
Vive vive la liberté ! Vive vive la liberté ! (...)




Si vous êtes fatigués, faisons halte dans le café dont l'histoire remonte jusqu'en 1869, l'année où Antoni  Blikle fonda sa première pâtisserie. Pendant presque 150 ans, elle a su faire face non seulement à la concurrence des autres pâtissiers mais aussi au régime communiste, régime qui après 1948 bannit toute entité privée de l'industrie et restait hostile à toute activité privée dans le commerce et dans les services. Le café était toujours très populaire parmi les gens de culture: écrivains, acteurs, musiciens... Les étrangers passaient aussi par là. On pouvait par exemple contempler les photos de Marcel Marceau ou de Lucien Boyer accrochées aux murs. Jeune officier Charles de Gaulle y prenait régulièrement le café accompagné des pączki. Dommage que le goût des glaces n'est plus le même que dans mon enfance. Seuls pączki (les beignets) et makowiec (le gâteau au pavot) ont gardé leur ancien caractère... 


Une photo des beignets trouvée sur Internet

Cherchez ensuite le bâtiment au numéro 40. Au début du XX siècle, il y avait ici le plus grand garage de Varsovie tenu par l'entreprise « Centrale de Dion Bouton, Greyer & Co. ». Dans un magasin voisin on pouvait aussi acheter des automobiles de la même enseigne, très connus et aimés des Varsoviens.  Et de l'autre côté de la rue, au numéro 39, il y avait le plus grand magasin où on commercialisait des marchandises russes  de haute gamme, notamment le caviar. L'hôtel appartenait à un des plus riches commerçants de Varsovie, un Russe, Nicolas Szelekhov. Il possédait aussi un autre hôtel, dans l'avenue Ujazdowskie, au numéro 17, où, dans les années 1920, le consulat de France avait son siège.

On peut lire dans les souvenirs écrits à la fin du XIX siècle que les Polonaises portaient peu de faux bijoux. Il paraît que la mode est venue à Varsovie dans la première décennie du XX siècle avec la création, au numéro 45, d'un magasin qui offrait des imitations de diamants sous l'enseigne Bargoin.   À la même époque on a commencé aussi à commercialiser les fausses perles Tecla de production française.
Photo empruntée au site www.warszawa39.pl

À notre gauche – la rue Warecka dont le nom vient de Warka,  la ville natale du colonel Kazimierz Pułaski, un des héros de la guerre d'indépendance des États-Unis. Au carrefour de Warecka et Nowy Świat  son père a fait construire un grand palais en bois.

C'est quelque part ici, dans cette rue, qu'il y avait un appartement occupé par le capitaine Charles de Gaulle qui, entre 1919 et 1920, faisait partie d'une mission militaire française commandée par le général Veygand. C'est pourquoi le général de Gaulle a pu dire dans une allocution télévisée, lors de son séjour officiel en Pologne en  1967: « Je salue ceux d'entre vous qui ont vécu le temps lointain où j'avais été envoyé parmi eux dans ma jeunesse... »; et  cette inoubliable phrase finale que je garde gravée au fond de mon coeur, prononcée par le Président en polonais: « Wszystkim Polakom mówię z głębi serca: Dziękuję Wam! Żegnajcie! Niech żyje Polska, nasz droga, szlachetna, waleczna Polska! ».

Le grand hôtel brunâtre au 67/69, appelé le Palais Zamoyski, fut construit à l'endroit même où au XVII siècle s'élevait un palais appartenant à Marie Anne de la Grange d'Arquien, la soeur de la reine de Pologne, Marie Casimire, femme du roi vainqueur des Turcs près de Vienne en 1683. Au XIX siècle, il fut remplacé par un bâtiment dans lequel on offrait des appartements à louer. En 1863, pendant l'Insurrection de Janvier, plusieurs bombes ont été lancées d'une des fenêtres du bâtiment sur la voiture du général Fiodor Berg, le représentant du tsar pour la Pologne. Berg est sorti intact de cet attentat, mais en représailles tout l'hôtel a été mis à sac par les Cosaques. Tous les meubles ont été jetés par les fenêtres, parmi lesquels le piano de Frédéric Chopin. Le piano qui était dans l'appartement loué par Izabella  Barcińska, une des soeurs du compositeur. Cyprian Kamil Norwid, ami de Chopin, a décrit cette scène dans un poème traduit vers le français par Joseph Pérard :

(…) Regarde !... De ruelle en ruelle
Les chevaux caucasiens se ruent.
Comme avant l’orage les hirondelles,
Bondissant devant les régiments
Par cent ― par cent
― L’édifice a pris feu, semble s’éteindre,
S’embrase encore ― et voici que contre le mur
Je vois des fronts de veuves en deuil
Poussés par des crosses ―
Et de nouveau je vois, tout aveuglé de fumée,
Que par les colonnes du balcon
Un meuble ressemblant à un cercueil
On hisse... il s’abat... il s’abat... Ton piano !




Source: Wikipedia



środa, 1 sierpnia 2012

L'Insurrection de Varsovie 1944





Varsovie, été 1944. Les troupes soviétiques s’approchent. Les Allemands semblent désorientés. Qui va être le maître des lieux? Les autorités polonaises clandestines hésitent. L’enjeu est très important, mais les moyens sont presque nuls. Finalement la décision est prise. Le 1-er août, à 17 heures, commence un grand soulèvement contre les occupants allemands. Son but - libérer la capitale polonaise avant que l'Armée Rouge n'entre dans la ville. 25 000 membres de l’Armée de l’Intérieur (Armia Krajowa), qui était une force clandestine polonaise, et dont 10% à peine était armé, contre 50 000 soldats allemands d’une armée régulière, bien formée et bien équipée, disposant des avions, des chars et de l’artillerie lourde qui n’arrêtait pas de bombarder les quartiers libérés.

Pour un Kowalski, qui est un Durand polonais, l’Insurrection de 1944 est l’indiscutable symbole d’un patriotisme sans limites. La preuve en est dans les foules qui visitent le Musée de l’Insurrection à Varsovie, mais aussi dans le pullullement des groupes d’enthousiastes qui tentent de nous rappeler notre histoire en plein-air. C’est comme une sorte de défoulement après de longues années sous le régime communiste où l’Insurrection était un sujet tabou. Un jeu alors? Une distraction? Non, c’est beaucoup plus!
Les gens qui n’ont jamais connu la guerre dévorent des bouquins d’histoire en y cherchant des informations sur les uniformes et les armes, des détails sur les batailles célèbres et celles tombées en oubli, ou des descriptions de grandes campagnes. Mais un jour, ils s’aperçoivent que la lecture ne leur suffit plus. Ils commencent donc à chercher un moyen leur permettant  de partager cette passion avec autrui. Ils découvrent des forums spécialisés sur la Toile. À force de participer à des discussions, souvent violentes et acharnées, y trouvent des amis et des adversaires. Puis de la vie virtuelle ils passent à la réalité. Des rencontres aboutissent à la création de groupes informels de volontaires qui désirent faire quelque chose auprès d’un grand public. Car ils ont découvert que derrières leurs lectures et leurs discussions se cachent de vrais individus, en chair et en os. Ceux qui ont passé la guerre en civil, et ceux qui ont combattu l’arme à la main.
Ils commencent à les chercher, et trouvent de vieilles dames et des vieillards de 80-90 ans. Comment leur rendre hommage? En faisant découvrir l’histoire de leurs vies aux autres, aux jeunes surtout, à la génération des bandes dessinés et des jeux Pokemon. On organise des rencontres dans des écoles où les jeunes sont confrontés aux gens qui pendant la guerre avaient le même âge. À la grande surprise de certains ça crée des liens.
Les membres des groupes deviennent les successeurs des soldats des groupements de l’Armée de l’Intérieur. Comme ceux qui sont devenus membres de la garde du drapeau du Groupement Radosław. Ils sont 50. La plupart de Varsovie, mais il y en a aussi qui viennent de Puławy, Radom ou Częstochowa. Ils accompagnent les anciens dans leur vie, pendant les fêtes nationales, et trop souvent dans leur dernier chemin...
Mais le grand public réclame une fête. Pourquoi donc pas en profiter? Pourquoi ne pas organiser dans les rues de Varsovie une mise en scène des batailles livrées aux Allemands? Avec de la poudre et une vaste gamme d’effets pyrotechniques on peut attirer l’attention des jeunes vers ce temps où la vie d’un individu ne comptait guère, mais quand le mot « Patrie » gardait toujours son sens profond.
Les autorités municipales leur viennent à la rescousse, comme, par exemple,  dans le cas de la reconstruction de la bataille à  PWPW (l’Imprimerie polonaise des Papiers de Valeur) organisée par la Mairie, la Fondation Polonia Militaris et le Groupement Radosław. En fin juillet 2006, les habitants de Varsovie et les touristes ont pu suivre le cours des évenements du 2 auôt 1944. Une centaine d’acteurs en uniformes et habits de l’époque qu’ils ont dû trouver eux-mêmes, en participant à des enchères sur Internet, en fouillant les marchés aux puces  ou les greniers de famille, et ayant à leur disposition des voitures du temps de la II guerre mondiale telles qu’un véhicule blindé SdKfz 251, un camion Opel Blitz, VW Kubelwagen ou une moto Sahara, présentaient l’attaque des troupes polonaises à l’imprimerie. Une victoire qui a coûté cher.  La mise en scène était accompagnée d’un commentaire simultané de Bogusław Wołoszański, historien, auteur de plusieurs émissions télévisées sur la Seconde Guerre mondiale. Les participants du vrai combat de 1944, Juliusz Kulesza „Julek” et Jerzy Kucharski „Gryf” ont beaucoup apprecié cette manifestation . 
Vivre une telle « aventure » comme acteur, provoque d’inoubliables émotions et agrandit leur passion. Peu importe qu’il y ait des grincheux qui les appellent des héros en collants . La reconstitution des combats n’est pas un jeu de guerre pour les gamins. Elle finit toujours devant un monument qui célèbre les vrais héros de la vraie guerre. Elle est faite pour qu’on ne soit pas obligé d’en dresser de nouveaux. Mais si le sort était malin, on sait que de nouveaux héros se présenteraient à l’appel.

niedziela, 22 lipca 2012

Le Varsovie de Mademoiselle Skłodowska

Varsovie, le 25 novembre 2011. Dans la grande Salle des Bals du Château Royal, on peut assister à la clôture officielle de l'Année Marie Curie proclamée à l'occasion du centenaire de son second prix Nobel. 

Comme toujours dans tels cas, il y a aussi des invités d'honneur. La dame est l'ancien directeur du Centre National de Recherches Scientifiques. Elle est à Varsovie avec son frère, accompagné de sa femme, Anne. Tous les trois: chercheurs et scientifiques. La dame s'appelle Hélène Langevin-Joliot et lui, Pierre Joliot. Ils sont les petits-enfants de Marie Curie. Et le lendemain, j'ai un immense plaisir de leur montrer Varsovie,  de les conduire par les endroits si chers à leur grand-mère ...



Le tombeau familial à Powązki

Nous avons commencé par le vieux cimetière de Powązki. Au troisième rang du quartier 164, on  trouve facilement la tombe où reposent les membres de la famille Skłodowski. La première qui a quitté ce monde est Zofia, l'ainée des filles, morte de typhus à l'âge de 16 ans. Deux ans après, elle est suivie de Bronisława, la mère. Celle-ci, atteinte de tuberculose de l'époque de la naissance de Marie, s'impose désormais un régime dans les contacts avec ses enfants. Elle ne les embrasse plus, ne les caresse pas de peur de les contaminer. C'est tellement dur pour une mère, surtout dans cette famille où l'amour et l'attachement règnent jusqu'à la mort du dernier du « clan ». Ils se retrouvent tous ici, sauf une. Marie repose au Panthéon, à Paris, dans sa seconde patrie qu'elle a choisie pour travailler et vivre.



La rue Freta

C'est une rue qui est connue de tous les touristes qui viennent à Varsovie. Juste à côté de la Vieille Ville qui est un point obligatoire de chaque programme de visite touristique de Varsovie, elle débute devant la fortification dite Barbacane. C'est ici, au numéro 16, que sont nés tous les enfants Skłodowski dont Marie était la cadette. La famille occupait l'appartement au premier étage dans le bâtiment qui fut le siège de l'école pour des jeunes-filles, dirigée par Bronisława.






16, rue Freta, la maison natale de Madame Curie


S'ils déménagent juste un an après la naissance de Marie, le quartier reste cependant très proche à l'enfant. Deux églises qui sont à 200 mètres de la maison, sont celle de Saint Jacques des Pères Dominicains où a eu lieu sa première communion, « journée mémorable, dominée par les serments que s'étaient faites Mania et sa cousine Henriette de ne pas toucher, de ne pas effleurer l'hostie avec leurs dents », et celle de Sainte-Esprit, des Pères Pauliens (une des plus anciennes à Varsovie, dont le premier bâtiment en bois datait du XIV siècle) où les enfants viennent souvent le dimanche écouter la messe célébrée en… allemand.  Mais la première qu'elle a connue, est celle de son baptême, l'église de Notre-Dame à la Nouvelle Ville, fondée en 1411, construite près de l'escarpement de la Vistule d'où une panorama de la rive droite s'étale devant les yeux des fidèles. Marie, adolescente, revient souvent dans cet endroit. Et c'est ici qu'elle a fait ses adieux avec la ville natale avant son départ pour Paris en 1891.


L'église Saint Jacques, le lieu de la première communion de Marie

La rue Nowolipki

Après 8 ans passés dans le plus ancien quartier de Varsovie, Władysław Skłodowski est nommé professeur et sous-inspecteur au collège de la rue Nowolipki (au numéro 11 de l'époque). La famille occupe un spacieux appartement de fonction dans l'annexe de l'école. La vie n'est pas facile. Après l'Insurrection de Janvier  (1863), une forte pression russificatrice est exercée sur la société. La langue polonaise est bannie des offices et des établissements scolaires.  Le professeur  Skłodowski défend souvent ses élèves contre le directeur russe du collège, Iwanow, ce qui va lui couter finalement son poste. « Il y a eu, en automne 1873, la dramatique journée de retour de vacances. En arrivant avec les siens rue Nowolipki, pour reprendre ses fonctions à l'ouverture des classes, M.  Skłodowski a trouvé sur son bureau un pli officiel: par ordre des autorités, ses appointements étaient réduits, son logement de fonctionnaire lui était retiré, ainsi que le titre de sous-inspecteur. » La famille doit donc déménager, comme elle le fera encore plusieurs fois. Pour boucler le budget de la famille, le professeur loue un grand appartement pour tenir une pension pour de jeunes gens. Il se trouvait non loin du collège, au carrefour des rues Nowolipki et Karmelicka. Aucun bâtiment de l'époque n'existe plus. Le quartier se trouvant, entre 1940 - 1943, dans l'enceinte du Ghetto de Varsovie,  a été complètement détruit pendant et après le soulèvement d'avril et mai 1943. Toutes les maisons ont été d'abord brûlées et dynamitées ensuite par les soldats nazis. Un quart de la ville est devenu un plat désert de débris. De nouveaux quartiers y ont été construits dans les années 1950. De nos jours nous pouvons voir une peinture murale réalisée sur la façade de la maison au numéro 11 actuel. Elle est l'une des plusieurs peintures faites en ville pour commémorer l'Année Marie Curie.

11, rue Nowolipki

La peinture murale sur la maison au numéro actuel 11, rue Nowolipki


Avenue Krakowskie Przedmieście

Un touriste visitant Varsovie à la fin de l'année 2011, pouvait voir plusieurs cubes sur lesquels ont été inscrits  les symboles des éléments chimiques. C'étaient surtout des enfants qui se mettaient à courir entre eux en essayant de trouver les deux éléments découverts par Madame Curie: le polonium et le radium.

Rue Krakowskie Przedmieście. Le bâtiment à droite avec une terrasse arrondie sous le toit, c'est l'Hôtel Bristol


Les cubes étaient là où il y avait la première école de Maniusia, celle de la pension de Mlle Sikorska, au carrefour des rues Krakowskie Przedmieście et Karowa, à deux pas de l’Hôtel Bristol et du Palais Présidentiel. C'était une seule année de scolarité qui était heureuse pour la petite fille. Les professeurs compétents, gentils et les élèves plongées dans l'atmosphère patriotique. On leur enseignait aussi les matières défendues par les autorités russes. « L'institutrice peu avenante, les enfants trop sages à qui elle enseigne, en polonais, l'histoire de la Pologne, ont mystérieusement l'air complices, de conjurés. Soudain, comme des complices, en effet,tous ces êtres tressaillent: le grelottement discret d'une sonnerie électrique vient de retentir sur le palier. Deux coups longs, deux coups brefs. » C'est le portier qui prévient que l'inspecteur russe des écoles privées de Varsovie, M. Hornberg, va visiter la classe. Au bout de quelques instants les cahiers et les manuels polonais sont dissimulés dans le dortoir des internes, et vingt-cinq filles regardent de leurs yeux innocents l'inspecteur entrer.



La rue Marszałkowska

Ce n'était plus le cas dans le collège d'état que Marie fréquentait après. Pour les enseignants russes  la Pologne n'existe plus. Il n'y a qu'un Pays près de Vistule et les Polonais ne sont que des sujets du tsar. Les élèves polonais sont donc constamment persécutées. Mais au même temps, pour ceux qui ont l'ambition de faire les études supérieurs après, il est impossible d'abandonner cette école méprisée, car seuls les collèges d'état donnent le droit de se présenter au bac. Alors pour garder l'équilibre, on fait des petits gestes patriotiques, tels de cracher sur le monuments des traîtres, l'obélisque des généraux polonais qui, pendant l'Insurrection de Novembre en 1831, se sont battu du côté de l'armée  russe, contre leurs compatriotes. Le monument se trouvait devant le Palais de Saxe (plac Piłsudskiego actuellement) dont il n'est resté après la II Guerre Mondiale que la partie centrale abritant le Tombeau du Soldat Inconnu.


La Place Saski en 1861 avec le Palais de Saxe et l'obelisque des traîtres au fond


Le collège se trouvait au carrefour de Marszałkowska et Królewska. Si vous y aviez passé un jour de novembre de 2011vous auriez vu des grands roues de vélos anciens. Appelés bicyclettes atomiques elles nous rappelaient que les voyages à vélo étaient la façon favorite du couple Curie de passer leur temps libre à la campagne.



La rue Leszno (actuellement Avenue Solidarności)

Il est difficile de dire précisément  dans quel endroit était la nouvelle maison des  Skłodowski où ils ont déménagé après la mort de la mère. Elle devait être dans la partie entre les rues actuelles : Marszałkowska et l'Avenue Jean-Paul II, tout près de Plac Bankowy, Eve Curie décrivant dans la biographie de sa mère l'église calviniste qui était construite de l'autre côté de la rue Leszno. C'est d'ici que Marie prenait la rue Rymarska pour aller chercher sa mailleure amie Kazia habitant un annexe du Palais Bleu des comtes Zamoyski (rue Żabia). « Lorsqu'elle ne trouve personne au rendez-vous, elle soulève le pesant anneau que le lion de bronze teint dans sa gueule et le retourne sur le nez de l'animal, puis elle continue sa route vers le gymnase. Kazia, en voyant l'anneau, apprend que Mania est déjà passée et que, si elle veut la rattraper, il faut qu'elle se dépêche. »

Les deux petites rues n'existent plus, englouties par la grande place de Banque (plac Bankowy). De même que l'annexe du Palais. Quelle chance que le Jardin de Saxe est toujours sur sa place, avec ses sculptures du début du XVIII siècle, son bassin et un grand jet d'eau près duquel est situé le cadran solaire sur lequel Marie pouvait voir, par le temps ensoleillé, si, par hasard, elle n n'était pas en retard pour l’école.


Eglise calviniste, Avenue Solidarności (ancienne rue Leszno)

Le temps nous pressait, c'est donc avec hâte que nous avons passé devant l'Université de Varsovie dont la Faculté de Philosophie (sic!) lui a discerné le titre de docteur honoris causa, où Madame Curie était présente pour l'inauguration de l'année académique 1921-22, et où elle revient en 1925 pour prononcer un discours sur la radioactivité; devant le Palais Jabłonowski, reconstruit dans les années 1990, qui jusqu'à la fin de la II Guerre Mondiale était le siège de la Mairie et où Madame Curie reçoit en 1925 le titre d'habitant d'honneur de la ville de Varsovie. Sans oublier la Place des Trois Croix (Plac Trzech Krzyży) près duquel, son père a passé la fin de sa vie dans la famille de son fils ainé, Józef, et l'immeuble dans la rue Górnośląska, au numéro 16, où habitaient ses soeurs, Bronisława Dłuska et Helena Szalayowa.


Et vous, si vous venez à Varsovie, n'oubliez pas de passer aussi par la rue Wawelska, dans l'arrondissement de Ochota, pour saluer  Marie Skłodowska-Curie dont la statue se dresse devant Instytut Radowy, « l'enfant chéri » de Marie en Pologne.  


Toutes les citations marquées en italique sont tirées de la biographie écrite par Eve Curie « Madame Curie », Librairie Gallimard, 1958

piątek, 29 czerwca 2012

Les Norblin de Varsovie

Devant moi un dessin en blanc et noir.  Il représente la rue Miodowa, le  17 avril  1794. Une foule de soldats polonais se hue sur le Palais Młodziejowski, le siège d'Osip Igelström,  l'ambassadeur russe à Varsovie. La rue envahie par la fumée semble retentir des coups de fusils, des cris des attaquants, des hennissements des chevaux et des gémissements de blessés.  Pareil à une simple esquisse,  il est au fait une œuvre finie. Son auteur: Jean Pierre Norblin de la Gourdaine, un Français pour qui la Pologne est devenu une seconde patrie...


L'arrivée en Pologne
Jean Pierre Norblin est né le 15 juillet 1745 à Misy-sur-Yonne. Il fait son apprentissage dans l'atelier de Francesco Casanova et à l'Académie royale de la peinture. En 1770-71 il est élève de l'École Royale des Élèves Protégés. Ses premières oeuvres datent du 1763. C'est en 1772 qu'il fait connaissance du prince polonais Adam Kazimierz Czartoryski, cousin du roi polonais. Après un voyage commun de deux ans, le peintre est invité par Czartoryski en Pologne où il devient le précepteur de ses enfants. Mais il continue aussi de travailler comme peintre et dessinateur.
Envouté par Myszeïdos, le poème de Ignacy Krasicki, racontant la guerre entre les chats et les souris, mais qui au fait est une métaphore de la Pologne en déclin au XVIII siècle, il y prépare les illustrations qui vont à merveille avec le texte dont la traduction française a été faite en 1776 par deux Français, professeurs à l'École de Chevaliers à Varsovie, Jean Baptiste Dubois et Charles Duclos, (une autre traduction parue en 1818 sous le titre La Souriade, a été réalisée par J-B. Lavoisier).
Étranger, Norblin observe attentivement la société qui l'entoure. De ces observations nait toute une collection de dessins représentant divers types de nobles polonais, ainsi que des habitants de ville et des paysans. Il a fait, par exemple, quelques portraits d'un jeune mendiant, qui est entré dans notre histoire comme symbole de patriotisme. Un jour il jouait devant le palais habité par Osip Igelström (l'ambassadeur russe mentionné ci-haut) avec une petite guillotine en coupant les têtes des poupées symbolisant les grands magnats polonais sympathisant avec la tsarine Catherine II.  Arrêté par la police, il s'est avéré qu'il était malade mental, ce qui d'ailleurs lui a sauvé la tête.
Norblin travaille pour la princesse Izabella Czartoryska qui a créé un jardin idyllique dans le village de Powązki, à une dizaine de kilomètres de Varsovie de l'époque. Le peintre y fait des tableaux pour les cabanes rustiques qui, de l'extérieur ressemblent aux huttes de paysans, mais qui à l'intérieur sont des villas somptueuses et riches. Il n'existe plus aucune trace de ce  jardin, détruit pendant les combats de 1794, et vanté par beaucoup d'étrangers séjournant à Varsovie sous le règne du roi Poniatowski.
Norblin, devenu citoyen polonais, est chroniqueur de sa nouvelle patrie. Ses tableaux nous présentent les assemblées des nobles en province, les sessions de la diète, notamment celle du 3 mai 1791 pendant laquelle a été votée la première constitution en Europe, et les épisodes des batailles de l'Insurrection de Kościuszko. Ce soulèvement  national était la dernière tentative de sauver la Pologne avant le troisième partage de ses territoires par les trois pays voisins: La Russie, la Prusse et l'Autriche. Cependant certains représentants de grandes maisons nobles étaient contre les combats. Ils voyaient l'avenir du pays dans la coopération, voir dans la soumission à l'Empire russe de Catherine II. La population de Varsovie leur a donc préparé un sort peu enviable. Ils ont été pendus sur la place du Marché de la Vielle Ville. Ceux qui ont fui auparavent ont été remplacés sur les échafauds par leurs portraits peints. En relatant cet évènement Norblin a fait un dessin (« Les traitres pendus sur la place du Marché ») et un tableau en huile (« Accrochages des portraits des traitres »).
En 1795 la Pologne n'existe plus comme état. Varsovie devient une ville de province dans le Royaume de Prusse. Norblin quitte la ville seulement en 1804. Avec sa femme polonaise, Marie Kapsch, et ses enfants il rejoint à Paris, où faisaient leurs études, ses fils du premier mariage avec Marie Tokarska. Alexandre, l'ainé de tous les enfants de Jean-Pierre, est devenu sculpteur et bronzier, tandis que Louis devient musicien et pédagogue, maitre de la violoncelle (un des ses élèves était Jacques Offenbach).
Sébastien, né à Varsovie en 1796 (appelé Sobeck par ses parents et ses copains polonais) était le seul à poursuivre le même chemin que le père. Ancien élève de l'Académie des Beaux Arts à Paris, il devient un peintre de renommé qui, entre 1827 et 1876, expose régulièrement au Salon. Très proche du milieu des émigrés polonais à Paris, il participe dans la restauration de l'Hôtel Lambert du Prince Adam Czartoryski.
Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine meurt à Paris le 23 février 1830, à l'âge de 84 ans.
Le retour à Varsovie

Parmi les enfants de Jean-Pierre Norblin qui étaient déjà établis en France, le seul qui revient vers leur première patrie est Alexandre Jean Constantin, appelé en Pologne Jan Norblin.
Sculpteur, à Paris, il travaillait aussi dans des ateliers de bronzerie. Il vient à Varsovie en 1819 sur invitation de la Commission Gouvernementale de l'Intérieur. C'est l'époque du Royaume de Pologne créé après la défaite de Napoléon Bonaparte, qui existe dans les limites de l'Empire russe. Le tsar Alexandre I est couronné roi de Pologne.
La première entreprise de Jan est créée en 1820 dans rue Długa, près de l'Église Saint Esprit. Aidé des spécialistes qu'il avait fait venir de France: Jean Trouvé, Claude Grégoire et ses deux fils, Jean-Baptiste et Émile, Jan Norblin conquiert vite Varsovie. Un an lui suffit pour se faire octroyer une médaille d'or pour ses produits.
En 1822 Émile Grégoire devient son associé et l'entreprise déménage vers Krakowskie Przedmieście, occupant l'hôtel se trouvant près de la tour de l'église Sainte Anne. C'est à cette époque que Jan réalise trois sculptures pour le Palais de la Commission qui l'avait fait venir en Pologne. Vous pouvez toujours les admirer sur la façade du palais devenu le siège de la police de Varsovie (rue Andersa, près de la station métro: Arsenał). La production est dominée par les ustensiles de la vie courante, tels: chandeliers, pendules et horloges, vases, sonnettes, ou couverts et vaisselles en plaqué. Cependant la notoriété de Jan  est dûe plutôt à son activité quasi artistique. Il  réalise plusieurs objets et un ciborium pour l'Église Sainte Alexandre (plac Trzech Krzyży),  terminée en 1825 par l'architecte Piotr Aigner. Il  fait aussi deux bustes du prince Adam Czartoryski ainsi que les décorations aux sarcophages des rois polonais Władysław Herman et Bolesław Krzywousty, se trouvant à la Cathédrale de Płock.
L'établissement retourné dans la rue Długa, en 1826 commence la plus grande aventure « patriotique » de Jan Norblin. C'est dans son atelier que doit être réalisée en bronze la statue de Nicolas Copernic, d'après le projet du plus grand sculpteur de l'époque, le Danois, Bertel Thorvaldsen. Hélas, la mort prématurée le 23 mars 1828, empêche Jan de signer le contrat avec l'Association des Amis de Science, le commanditaire de la statue. C'est donc son associé Émile et la famille Grégoire qui continuent et finalisent les négociations grâce auxquelles vous pouvez toujours admirer le monument de notre plus grand astronome assis devant le Palais Staszic, rue Krakowskie Przedmieście.
Marié à Marianne Bilhot, Jan avait 6 enfants. Tous habitaient Varsovie. Parmi eux, l'ainé, Wincenty Konstanty, était propriétaire d'une usine métallurgique, August Wincenty avait un établissement de production de lampes, et Jan Piotr Sylwin était enseignant à Instytut Szlachecki, une école secondaire pour les jeunes gens nobles.

Une nouvelle étape
Wincenty Konstanty est celui qui est probablement le plus connu de la famille Norblin au XIX siècle. Il n'a pas hérité l'atelier de son père, mais il commence sa carrière avec un établissement de production des objets en argent et en or, que lui a apporté comme dot, sa femme, Henryka Cerisy. Pendant 33 ans il en a fait une des plus grandes usines dont la production est vendue non seulement à Varsovie ou dans ses environs, mais dans tout l'empire russe. Élevé dans la tradition catholique, il a changé de confession en 1830, et repose dans le tombeau familial au cimetière calviniste, rue Żytnia.
C'est son fils Ludwik qui continue l'oeuvre de son père. C'était encore en 1865 qu'il a acheté à Wincenty, son usine se trouvant dans la rue Chłodna. Spécialisé dans la production des couverts et vaisselle en plaqué, en 1882 Ludwik achète l'usine des frères Bruch et par la suite déménage dans la rue Żelazna tous ses établissements. Une grande société anonyme au capital social de 1 500 000 roubles, reste cependant une entreprise familiale. Le profil de la production complétement changé, l'usine devient une des plus importantes usines métallurgiques de la Russie. Et cette situation continuait en Pologne ressuscitée, après la Première Guerre Mondiale. 
L'Établissement Norblin, rue  Żelazna est nationalisé en 1948. En 1982 la production est arrêtée et dans une partie des bâtiments (au carrefour des rues Żelazna et Prosta) est créée une filiale du Musée de Technologie (Muzeum Techniki). Mais le terrain étant vendu, le musée doit fermer ses portes en 2008, après 25 ans d'existence. Le projet de construction d'une tour d'habitation a heureusement échoué, et en décembre 2008, une société ArtNorblin est créée qui a pour but la revitalisation des établissement industriels.

Du peintre au peintre
Un des descendants de Jean-Pierre était Juliusz Stefan Norblin. Tout comme son ancêtre, il était très connu comme peintre et dessinateur mais aussi comme auteur des affiches. Il était marié à Lena Żelichowska, une danseuse et  actrice du cinéma polonais d'avant guerre. Le couple quitte la Pologne après l'entrée de l'armée allemande et la défaite polonaise en septembre 1939. Pendant la guerre ils habitent en Inde où Stefan Norblin réalise plusieurs peintures pour décorer les intérieurs du somptueux palais Umaid Bhawan de maharadja de Jodhpur, la plus grande résidence privée du monde. 




La première commande a été réalisée par Norblin en 1941 dans la ville de Morvi. Plusieurs peintures ont décoré la somptueuse résidence de maharadja Lakdhirji Waghji, construite entre 1931-1944 dans le style moderne où les traditions orientales se marient très bien avec l'Art Déco.


Juliusz Stefan Norblin est mort en 1952 à San Francisco où il s'était établi après la guerre. Il s'est suicidé suite à une depression causée par des problèmes financiers et une perte de vue qui avançait rapidement. Les bruits courraient que les cendres du couple Norblin ont été dispercées au baie de San Francisco, ce qui s'est avéré faux. Elles sont revenues en Pologne le 12 octobre 2012 et réposent désormais dans le tombeau famillial au cimetière de Stare Powązki à Varsovie.
À cette occasion une exposition présentant les oeuvres de Stefan Norblin a été ouverte au Musée de l'Affiche à Wilanów. Dommage qu'elle ne peut être visitée que jusqu'au 31 janvier 2013.




Et ceux qui maîtrisent l'anglais sont invités à regarder cet interview avec le fils unique de Stefan Norblin et Lena Żelichowska, Andrew Norblin, un excellent guitariste, membre, entre autres, de The Comets de Bill Haley.






Le petit Andrew Norblin avec ses parents

czwartek, 21 czerwca 2012

La Place du Marché


Cette place est la plus ancienne de Varsovie. Elle a été jalonnée sur le plan d’un rectangle (90 m x 73 m) au moment de la fondation de la ville entre la fin du XIII et le début du XIV siècle. D’abord toutes les maisons qui l’entouraient étaient en bois. Il n’était donc pas étonnant que nombreuses incendies ravageaient le quartier. Au cours du XV siècle, une par une, ont apparu de belles maisons gotiques en brique. Après une grande incendie en 1607, de nouveaux hôtels particuliers ont été construits qu'on pouvait contempler jusqu'au 1944.


Jean-Pierre Norblin "Les Varsoviens qui pendent les traîtres de la nation sur la Place du Marché lors de l'Insurrection de Kościuszko en 1794"


La Place du Marché était un centre municipal et commercial. L’hôtel de ville a été construit au milieu, entouré des étals. C’était aussi le lieu de punition des criminels. Un pilori, un carcan (kuna) et une cage n’y étaient pas pour rien...

Jusqu’au XVIII siècle, les habitants de la place, c’étaient de riches familles bourgeoises: Giza, Baryczka, Dzianotti, Walbach et autres.

D’abord on désignait les côtés de la place par leur disposition géographique : côté nord, côté ouest, etc. Quelquefois on se servait aussi des noms propres : Le Côté du Château (celui du sud), Le Côté de la Vistule (celui de l’est) et Le Côté de la Ville (celui de l’ouest). Ce n’est qu’en 1916, que les noms actuels ont été officiellement adoptés. Ainsi, le côté est est devenu Le Côté Barss, celui du sud – Le Côté Zakrzewski, celui de l’ouest – Le Côté Kołłątaj et celui du nord – Le Côté Dekert.

Au début du XIX siècle, la place a perdu son importance. En 1817 l’hôtel de ville est démoli. La plupart des grands et beaux magasins ont déménagé vers Krakowskie Przedmieście. Toute la Vieille Ville, et la Place du Marché n’y faisait pas exception, est devenu un quartier des pauvres : ouvriers, petits artisans, chômeurs... Les maisons entourant la place, petit à petit, tombaient en ruine. Un seul événement heureux a eu lieu en 1855 où un bassin avec la statue de Sirène ont été construits.




Ce n’est qu’au début du XX siècle, que commencent les travaux de restauration. Cela grâce aux efforts de l’Association de Protection des Monuments du Passé (Towarzystwo Opieki nad Zabytkami Przeszłości) et de l’Association des Passionés de l’Histoire (Towarzystwo Miłośników Historii) qui ont trouvé leurs sièges aux numéros 31 et 32. En 1912 on a démoli des étals, de nouveaux pavés multicolores ont été posés dont la composition ressemblait à celle de la médaille Virtuti Militari. En 1928 les anciennes façades ont été nétoyées et couvertes de polychromies effectuées par les meilleurs artistes polonais de l’époque. Au même temps, pour des raisons mystérieuses, la statue de la Sirène a été bannie sur les remparts du côté de la Vistule et le bassin enlevé.

Au moment de l’agression nazie en septembre 1939, seules quelques maisons ont été endommagées. Mais toutes ont vu leur fin pendant ou juste après l’Insurrection de Varsovie en août 1944, à cause des bombardements d’artillerie d’abord et des lance-flammes allemands ensuite.



Toutes les maisons ont été reconstruites entre 1949 et 1953. Certaines abritent des musées, comme le Musée historique de la Ville de Varsovie, ou le Musée de la Littérature, d’autres servent de bâtiments d’habitation.




środa, 20 czerwca 2012

Antoni Magier - le témoin de l'histoire

"Nous avons différentes espèces de Cartes telles que géographiques, historiques, etc. qui représentent l'état naturel de la surface du globe, ou bien les changemens politiques et autres qui s'y opèrent; mais il nous manque encore une carte Météorographique, Carte qui place sous nos yeux les variations physiques survenues sur la terre, produites en grande partie par l'action du pouvoir calorifique sur les deux fluides ambiants à savoir: l'air et l'eau.
De longues années s'écouleront, avant que les naturalistes parviennent à former une carte générale météorographique du globe entier ; mais de ce qui a été fait dans l'étude météorologique on conçoit la facilité d'obtenir des cartes météorographiques spéciales des différentes parties de la terre. En tête de celles - ci peut se placer la carte Météorographique du Royaume de Pologne dont nons allons nous occuper."
Ces mots ont été écrits et publiés par Antoni Magier en 1828. Ils accompagnaient la carte météorologique de Varsovie, la première carte polonaise qui soit réalisée et mise à disposition des savants du monde entier. Qui était l'auteur de cette brochure? Un des premiers météorologues polonais? Certes, mais aussi physicien, astronome et, surtout, chroniqueur de la capitale polonaise. Témoin de l'histoire tumultueuse de notre pays entre la fin du règne de la dynastie saxonne des Wettyn, l'époque du Siècle des Lumières représentée par le dernier roi polonais – Stanisław August Poniatowski, de la soumission de Varsovie au roi de Prusse, puis du temps des illusions perdues liées à la création par Napoléon du Duché de Varsovie, et enfin de la disparition totale du Royaume de Pologne qui n'existait plus qu'au sein de l'Empire Russe sous le tsar Alexandre I. Or, que d'observations à relater...
Pour suivre les traces de sa vie, dirigeons nous d'abord à la Vieille Ville. Retrouvons la rue Piwna (la rue de la Bière), l'une des plus anciennes rues de notre ville. Créée vers la fin du XIII siècle, avec la ville même, elle a été tracée dans le quartier que l'on pourrait désigner comme quartier « industriel ». C'est ici qu’étaient situées toutes les brasseries et les fours des boulangers pour que les maisons d'habitation soient à l'abri des incendies. C'est ici au numéro actuel 47, que Antoni Magier est né le 2 juin 1762, dans la maison appartenant, depuis plusieurs générations, à la famille de sa mère.
Enfant, il était élève d'un certain Monsieur Robert qui tenait l'école dans l'hôtel au numéro 2 sur la place du Marché de la Vieille Ville. Dans le même qui abrite actuellement un centre de culture. Ensuite il fréquentait l'école située dans la rue voisine – Jezuicka, là où, dans les années 80 du XVIII siècle, était le siège du premier ministère de l'éducation nationale en Europe et qui, de nos jours, abrite le théâtre « Chez Tartuffe ».

Sa maison natale, détruite en 1944, comme tout le quartier, a été reconstruite, et pour commémorer son illustre habitant, on a mis son médaillon sur la façade. Malheureusement la reconstruction n’était pas complète. On ne trouve plus ni l'observatoire astronomique aménagé par Magier au dessus de son appartement du troisième étage, ni la peinture murale dans la cage d'escalier qui représentait le système solaire de Copernic (n'oublions pas qu'à cette époque-là le livre du grand astronome se trouvait toujours sur l'indexe). La porte d'entrée n'a plus de traces des clous sur lesquels le valet du météorologue accrochait les communiqués sur ses observations quotidiennes réalisées durant plus de 25 ans. Les mêmes qui figurent dans les notes et dans des dossiers achetées par le gouvernement après la mort du savant. Celles sur la température, la pression atmosphérique, l'humidité de l'air, les mouvements des vents, la pluviosité, ainsi que sur l'évolution des nuages. Presque 140 000 d'observations auxquelles l'on a ajouté des observations du niveau de la Vistule, et qui ont permis de rédiger la première carte météographique de Varsovie. De nos jours, les météorologues se servent toujours des résultats de ses observations pour faire des analyses de longue terme portant sur l'évolution du climat.


Antoni Magier était un personnage connu de tous les Varsoviens. Même les illettrés profitaient de son savoir. Très régulier dans ses habitudes quotidiennes, il était observé quand il sortait de chez lui. Un parapluie sous son coude ou un habit chaud malgré le soleil qui brillait, témoignait un changement de temps très proche.
Il sortait pour se rendre soit au Lycée de Varsovie dont il était professeur de physique et de sciences naturelles, soit à des cafés où il aimait discuter et où il cherchait des informations et des anecdotes sur la vie des Varsoviens.
Le lycée se trouvait d'abord à deux pas de chez lui, au Palais de Saxe, à la place appelée aujourd'hui « la place maréchal Pilsudski ». Dans le palais qui a été détruit par les Allemands en décembre 1944, et dont il ne reste qu'une partie d'arcades abritant le Tombeau du Soldat Inconnu. En 1818, le lycée a déménagé au Palais Kazimierzowski (rue Krakowskie Przedmieście) où il partageait ses locaux avec l'Université de Varsovie récemment créée. Il est plutôt sûr qu'à cette époque Magier était le professeur du jeune Frédéric Chopin dont le père, Nicolas, était aussi professeur au lycée et qui habitait avec la famille dans un des appartements de service dans l'annexe du palais. De cette expérience pédagogique est né un livre dans lequel Antoni Magier expliquait aux enfants les phénomènes naturels. Il le faisait d'une façon très simple mais pertinente et efficace. Si le langage avait été plus moderne, ce livre aurait pu être lu aussi de nos jours.
Dans son appartement il avait aussi un atelier dans lequel il produisait des thermomètres, des baromètres et des instruments de son invention qui permettaient de contrôler le taux d'alcool dans des liquides. Tous ses instruments étaient de grande notoriété et les gens de tous côtés venaient à Varsovie pour les acheter. Il était même une victime d'une contrefaçon, ce qui a fini par un communiqué de presse publié dans « Le Courrier de Varsovie » du 3 juin 1823, dans lequel il prévenait ses clients qu'un certain sieur Sikorski de Berdyczew, maître de tôlerie produisait des instruments physiques qu'il vendait au public comme fabriqués dans l'atelier d'Antoni Magier.
Mais le plus grand mérite de Antoni Magier est celui de chroniqueur de Varsovie. Pendant toute sa vie il faisait des notes de ce qu'il entendait autour de lui. Les notes qui lui ont permis de rédiger des articles publiés d'abord dans la presse quotidienne et qui finalement ont résulté d'un livre « L'esthétique de la ville de Varsovie, la capitale ». Le livre de Magier, longtemps connu uniquement des spécialistes, car sous forme de manuscrit, a été rédigé dans les années 1830. C'est une richissime source d'informations sur le Varsovie de la fin du XVIII et du début du XIX siècle.
On y apprend par exemple la vie du dernier roi polonais, son règne et son amour pour les arts, mais aussi des anecdotes sur ses petites manies et faiblesses. On y voit naître le théâtre national où les pièces des auteurs polonais étaient jouées en langue polonaise par les acteurs polonais pour le public polonais qui n'était plus obligé d'assister aux spectacles interprétés par les acteurs étrangers dans leurs langues maternelles. Quel soulagement...
Mais on y retrouve aussi les informations sur l'administration prussienne qui gouvernait dans la ville entre 1796 à 1806, avec son fonctionnaire le plus pittoresque qu’était Ernst Theodore Amadée Hoffmann, peintre, musicien, écrivain, connu dans le monde entier comme l'auteur du conte « Casse-noisettes » et qui habitait dans un hôtel proche de la Barbacane, rue Freta (l’hôtel Samson). Ami des musiciens et des peintres polonais, il était un des fondateurs de l'Association musicale de Varsovie qui avait son premier siège dans le palais Mniszech où, de nos jours, se trouve l'Ambassade de Belgique.


Le lecteur français peut être intéressé surtout par les fragments concernant les royalistes français qui ayant fuit la France soumise à la terreur de la Grande Révolution, accompagnaient le comte de Lille, qui ne fut autre que le futur Louis XVIII. Et peut-être des passages racontant l'arrivée des troupes de Napoléon Bonaparte, si attendus par les Polonais, et dont les soldats se croyaient dans un pays conquis et en profitaient largement. C’est pourquoi très vite, seul l'empereur resta cher aux coeurs des Varsoviens.
Mais en contrepartie il y avait aussi des passages racontant les activités des artistes français invités par le roi Stanisław August Poniatowski, notamment du sculpteur André Le Brun, du peintre Jean Pillement, de l'architecte Victor Louis, qui ont participé à l'embellissement des intérieurs du Château Royal, ou d'autres comme Monsieur Raquellier, le maître d'escrime à l'École des Chevaliers ou Charles de Perthès, le cartographe à la même école.
Antoni Magier est mort le 6 février 1837. Dans son testament, il a légué sa fortune (qui n'était pas petite) non seulement à ses proches, mais aussi à des associations caritatives. Même la ville de Varsovie a reçu un don de 1000 zlotys pour la construction d'un cadran solaire pour qu’il serve tous les Varsoviens, riches et pauvres. Ce cadran qui a été réalisé seulement en 1863, peut être toujours admiré dans le Jardin de Saxe, tout près des grands jets d’eau avec bassin. Il porte une inscription en latin: Erectum ex legato Antoni Magier A. D. MDCCCLXIII.


Et si vous passez par le vieux cimetière de Powązki, retrouvez l'allée 8 où dans une tombe dominée par un bout de colonne antique entourée de feuilles de lauriers, repose ce grand homme et grand amoureux de Varsovie.